
S'il y a bien un sujet qui cause beaucoup de confusion aux nouveaux arrivants, parfois à des immigrés pas si nouveaux, voire même à des propriétaires citoyens de naissance ne sachant pas comment agir au mieux de leurs propres intérêts, c'est le sujet de l'enquête de crédit ou enquête prélocative pour réussir à louer un logement.
Dans cet article, nous allons un peu creuser ce sujet, afin de démystifier tout ça.
Malgré votre futur succès, bâtissez votre crédit
En préambule, je tiens à vous rappeler que bâtir son dossier de crédit, c'est important. Oui, si vous venez d'arriver au Canada, il faudra réussir à louer sans, mais malgré votre succès dans vos recherches, il subsistera de nombreuses raisons de ne pas négliger ce sujet:
- les tolérances données aux nouveaux arrivants sont pour certains moins logiques à donner à ceux qui sont là depuis longtemps;
- il y a une crise du logement par endroit, vous ne savez pas la difficulté à louer demain, les propriétaires préfèrent naturellement les meilleurs profils;
- lorsque vous déménagerez pour louer, vous ne voudrez certainement pas un logement dont personne ne veut, plutôt un logement capable d'attirer d'autres candidats;
- enfin, pour acheter un logement, un bon dossier de crédit vous place dans de meilleures conditions pour mettre en compétition les offres des prêteurs avec un courtier hypothécaire, ou même parfois pour obtenir un "oui" à votre projet;
- sans compter que même si certains vivent sans carte de crédit, ça reste franchement pénalisant en Amérique du Nord de ne pas avoir de vrai carte de crédit...
Bref, bâtissez votre crédit. Attention, ça ne veut pas dire souscrire à un produit explicitement destiné à bâtir votre dossier de crédit, au contraire, votre dossier de crédit c'est de l'information, il est mieux que votre dossier de crédit paraisse naturel. Les offres pour nouveaux arrivants sont de bons moyens pour obtenir sa première carte de crédit.
La confusion des enquêtes prélocatives et des enquêtes de crédit: démystifions
Un propriétaire prudent ne devrait jamais se contenter d'un dossier de crédit fourni par le locataire. En fait beaucoup n'accepteront même pas et cela avec raison. Déjà en initiant l'enquête, le propriétaire sait que quelqu'un ne lui a pas "photoshoppé" et imprimé n'importe quoi, mais ce n'est vraiment pas tout.
Une enquête prélocative sérieuse sur un locataire comprend plein d'éléments et le dossier de crédit n'en est qu'un volet, cela peut comprendre notamment:
- vérification de références,
- vérification d'emploi ou de source de revenus
- vérifications d'antécédents locatifs (le fameux "dossier à la régie", ou plutôt au TAL, ou ailleurs selon les provinces) et d'antécédents criminels.
Bref, beaucoup de choses. Il est possible de consulter deux produits célèbres pour propriétaires afin de mieux s'en rendre compte: proprio enquêtes, le produit recommandé par la célèbre corporation de propriétaires (CORPIQ) au Québec et le service d'enquêtes d'Oligny Thibodeau, deux bons noms au Québec parmi d'autres.
Je passerais les détails sur ce qui diffère d'une province à l'autre, l'objet de cette section est déjà de vous sensibiliser sur le fait que le crédit n'est qu'une composante.
Cependant, par abus de langage, on dit souvent juste "enquête de crédit" quand il y a plus. Il faut dire aussi qu'il faut consentir pour une enquête de crédit et que le formalisme de langage est peut être plus strict sur les formulaires que pour les autres vérifications.
Un nouvel arrivant sans dossier devrait-il refuser l'enquête? En général non!
Là où ça se complique pour un nouvel arrivant, c'est que le dossier de crédit est récent, vide, ou inexistant. Il y a des nuances, mais vous voyez l'idée. Je vais vous expliquer pourquoi il ne faut pas pour autant considérer l'enquête comme superflue ou à refuser.
Un nouvel arrivant peut-il prouver qu'il est nouvel arrivant?
Du point de vue du nouvel arrivant, il peut être très logique de collaborer, présenter son permis d'études ou de travail pour appuyer ses dires, etc. Il est vrai que certains documents donnent de la crédibilité au discours.
Néanmoins, du point de vue du propriétaire prudent, il est aussi logique de faire attention à ne pas se faire piéger. Un mauvais locataire avec des antécédents négatifs pourrait tout à fait présenter au bon moment un permis de travail qui n'est pas le premier obtenu au Canada mais un renouvellement, le tout en pensant passer à côté des vérifications...
Un résultat d'enquête vide est un résultat
Certes, l'idéal est parfois quelqu'un qui peut prouver que pendant dix ans il a de bons antécédents de location et de crédit au Canada, mais on comprend tout à fait que certains démarrent de zéro. En soit un résultat vierge après des recherches est beaucoup mieux qu'un maudit mauvais locataire qui laisse dégats et impayés en trouvant à chaque fois une raison de convaincre la prochaine victime de ne pas chercher à vérifier...
Le piège de l'interprétation du score de crédit
Article connexe: Credit score: pas une ni deux côtes de crédit mais une multitude
Il peut être vrai que pour quelqu'un de non renseigné qui cherche juste un score, cela peut être confus pour savoir à quoi s'attendre ou prendre une décision. Je le conviens. Le propriétaire peut avoir un chiffre non pertinent en évidence, ne pas savoir comment faire sans, etc. Mais, rassurez-vous, ce ne sont pas tous les propriétaires qui seront perdus.
Être transparent, être préparé mais laisser le propriétaire montrer l'initiative dans le choix du processus
Pour ne pas perdre de temps avec des visites et processus inutiles, un candidat locataire peut tout à fait expliquer qu'il vient d'arriver dans son message de prise de contact avant la visite, et ensuite c'est le propriétaire qui explique ce qu'il veut. Attention hein, ne pas donner de renseignements trop privés avant d'être sur place, renseigner sur la situation est une chose, prendre le risque de faciliter une fraude à l'identité en est une autre.
Le candidat locataire doit aussi bien se renseigner avant de visiter. Au Québec on peut déjà trouver le vrai propriétaire souvent facilement, vérifier aussi ce qui ressort au sujet du propriétaire et/ou du logement au Tribunal du Logement dans l'information publique, vérifier à quoi s'attendre niveau internet, niveau factures d'énergie, etc. Tout cela mérite un futur article de plus tellement il y a de vérifications à faire.
Mais une fois que la visite vous convient et que vous savez que c'est le propriétaire ou son représentant, laissez-le lui même ce qu'il attend de vous. Rappelez que vous êtes nouvel arrivant, mais si on vous demande de quand même faire l'enquête, ça peut être pertinent de la faire, sauf si bien sûr on vous fait comprendre d'avance que c'est raté auquel cas visite suivante! Soyez préparé avec tous les documents justificatifs que vous pourriez mettre dans un "dossier" imaginaire, tous les numéros et liste de contacts de référence d'emploi et de propriétaire précédents, mais vous ne donnerez pas de dossier comme pour une location à Paris, il s'agit d'être prêt à fournir l'information demandée et non de donner des papiers non demandés...
Et si on vous dispense d'enquête, ce n'est pas à vous de renseigner le propriétaire sur son "métier". D'ailleurs renseignez vous de votre côté sur ce qu'est être locataire, les droits et les obligations du bail, votre propriétaire ne sera pas votre conseiller même si le dialogue sera évidemment à privilégier!
Les solutions face à la difficulté
Être bien renseigné
En lisant ici vous êtes sur la bonne démarche. Vous devez être bien renseigné.
Être bien renseigné ne veut pas dire faire le "je sais tout" face au propriétaire bien entendu, ni faire croire qu'on ne sait rien. Renseignez-vous de la bonne façon et agissez de la bonne façon.
Bien se présenter
La première impression compte beaucoup pour certains propriétaires. Je ne dis pas de faire vos visites en costume-cravate, encore moins si votre profession ne vous amène pas à le faire dans votre journée, mais veillez à être présentable, courtois, etc. Et tant mieux si c'est déjà évident pour vous 😉
On parle de première impression mais en fait il peut y avoir la première impression avec le propriétaire en personne, la première avec quelqu'un qui travaille pour lui, la première impression au téléphone, la première impression quand votre identité est connue et qu'une recherche Google/Facebook/LinkedIn est faite, etc. Tous ne vont pas tout chercher mais certains le font.
Réessayer
Certains n'ont jamais eu à candidater à un logement sans être pris.
Mais le refus fait partie du jeu. Rappelez vous que tous les propriétaires ne voient pas les choses de la même façon et que vous pourriez avoir plus de chance avec un autre. La disponibilité peut aussi varier.
Passer par un intermédiaire (courtier immobilier)
Le courtier immobilier ne va pas forcément améliorer votre candidature. D'autant que typiquement c'est gratuit pour le locataire, c'est le propriétaire qui fait appel au courtier qui paye la facture, c'est lui le client, c'est à son service qu'est le courtier. Il n'y a pas les fameux "frais d'agence" à la française!
Par contre, si vous rencontrez un courtier immobilier qui vous sent bien comme locataire et vous propose différents choix, il a tout intérêt à vous présenter aux propriétaires avec qui il pense que ça va le faire. Un bon professionnel essaye de ne pas perdre de temps et de ne pas vous en faire perdre... Certains courtiers faisant du locatif ont comme une bonne base de propriétaires qu'ils connaissent un peu.
Demander aux satisfaits qui ont réussi
De nombreux immigrés connaissent le nom d'un propriétaire qui a plus d'un logement dans son parc et qui arrange bien les choses pour les nouveaux arrivants. Ça peut être utile de demander en visant bien le contexte.
Attention à ne pas trop vous exposer comme cherchant un logement sur les réseaux, trop en dire peut aussi dire que certains escrocs vont vite avoir le mot que vous pourriez être quelqu'un en recherche... Un MP inattendu est parfois bon mais vraiment pas à tous les coups.
Aussi pensez à la situation de pénurie: ce ne sont pas tous les propriétaires qui vont avoir quelque chose sous la main, cela dit plus le parc du propriétaire est important, plus les chances sont élevées qu'un des logements se libère, que ce soit pour de l'immédiat ou pour avoir votre chez vous après une courte période de solution temporaire!
Proposer un cautionnement qui va signer avec vous au bon endroit sur le bail
Cela peut rassurer aussi bien le propriétaire qui confie à un jeune son premier logement que celui qui confie un logement à quelqu'un sur qui une enquête ne donne rien. Une personne de la famille déjà sur place au Canada peut être un atout. Bien entendu celui qui signe un cautionnement pour quelqu'un d'autre devrait avoir un profil qui passe avec succès les enquêtes, avoir une bonne situation financière, etc.
Rassurez-vous si vous ne pouvez pas, on peut faire sans!
Enfin il y a des solutions de cautionnement payants. Locnest semble avoir arrêté, mais il se pourrait que d'autres proposent ça.
Être flexible sur les mois d'avance et les dépôts de garantie?
Ce sujet est délicat, renseignez-vous bien sur ce qui se fait dans la province et la ville visée.
Notez qu'au Québec il y a la formulation "d'interdiction d'exiger" un dépôt de garantie (mais pas d'obligation d'accepter le candidat ni d'interdiction d'accepter un dépôt volontaire), je ne rentrerais pas dans le débat sur la formulation du communiqué de presse du TAL et sur les diverses communications de la CORPIQ suite à l'affaire Immeubles À côté inc. c. Mirzica, ce n'est pas mon rôle.
Aussi il y a le sujet potentiel délicat des conditions des hypothèques publiées au registre foncier. Le prêteur qui veut être sûr de pouvoir recevoir de suite les loyers en cas de défaillance du propriétaire peut prévoir des conditions d'hypothèque des loyers, prévoir les conditions dans lesquelles il s'adressera directement au locataire pour percevoir les loyers, un sujet pas forcément simple. Si un bâtiment vous donne une impression de mauvaise gestion, que le registre foncier montre des traces que le propriétaire doit de l'argent, que des clauses existent en plus pour permettre au prêteur d'exiger les loyers des locataires, il y a un moment où faut savoir éviter le risque inutile et candidater ailleurs.
Enfin ne faites pas ce genre de choses sans un accord clair avec le propriétaire, cette affaire c'est pas juste connaître la loi, mais aussi éviter les conflits...
Quelques astuces:
- Négocier de payer les trois premiers mois à l'arrivée, c'est pas pareil que de négocier de fournir un dépôt équivalent pendant toute la durée du bail. Le propriétaire à ses intérêts, vous avez les vôtres. C'est plus facile de n'avoir une trésorerie artificiellement diminuée pendant 3 mois que pendant tout un bail...
- Payer le premier et le dernier loyer à la signature du bail au Québec, pas sûr que cela ait un sens particulier niveau légal, mais c'est une sorte de coutume qui peut fonctionner si vous la proposez (vu sur un article de courtier immobilier sur un site de la CITIM, j'avais déjà entendu parler mais oublié ce point à l'écriture initiale)
- La dureté de la négociation et les coutumes de propositions qui débloquent les choses, ça dépend du lieu. La ville de Québec et Montréal ne se gèrent pas comme Toronto ou Vancouver 😉
Sous-location, colocataire, simple occupant, airbnb, hôtel...
Ce n'est pas la même chose qu'avoir un bail rien que pour soi mais ça peut être plus flexible et aide à se faire une situation...
Mieux vaut être un an ou deux en coloc' qu'à la rue et pendant votre temps au Canada vous pouvez renforcer votre facilité à obtenir plus tard un logement pour vous tout seul.
Les colocataires selon la loi et dans le langage courant sont deux choses différentes, au Québec vous pourriez être colocataire par abus de langage, ne pas être sur le bail, et n'être qu'un occupant (au droit moins protégé). Voir l'article du Tribunal Administratif du Logement pour le Québec et sinon bien se renseigner pour votre province.
Attention il existe des histoires de personnes mises dehors en quelques minutes après une dispute faute d'être sur un bail... Je ne dis pas que c'est systématique loin de là mais ce genre d'arrangements sans connaître le droit peut être un risque pour chaque partie. À vous d'être confortable avec le risque que vous voulez prendre et de vous renseigner assez.
Côté Airbnb, ça a de moins en moins la côte, c'est de plus en plus restreint à bien des endroits, la situation n'est plus forcément comme il y a une dizaine d'années où certains prenaient un Airbnb et finissaient par renouveler y rester pas mal de mois. Néanmoins trouver une solution de logement temporaire assez longue à l'arrivée est typiquement souhaitable pour vous donner le temps de trouver dans de bonnes conditions avec moins de stress. Trouver un logement à distance est un vrai danger, par contre très préparé à être efficace avant le départ n'est pas mauvais...
La discrimination, les fameux préjugés
Avant tout je précise que je n'aborde pas le sujet sous un angle juridique. Arriver à prouver une situation problématique et à parvenir à quelque chose de constructif ensuite est de toute façon quelque chose de pas évident. Puis dit en passant faut mieux commencer sur de bonnes bases avec un propriétaire et parfois savoir trouver ailleurs.
Je ne justifie ou ne condamne en rien le fait que chaque propriétaire fasse à sa façon de ce côté, ce n'est pas mon rôle non plus, et si vous même êtes ou devenez propriétaire, à vous de vous renseigner ailleurs pour bien faire.
Le sujet des discriminations peut relever des droits de la personne au Québec, voir educaloi. Je n'entrerai pas là dedans.
Par contre je dois vous dire quelque chose de pragmatique sur les préjugés au Canada et au Québec: ça marche dans plusieurs sens: il y a toujours de nombreux propriétaires qui préfèrent traiter avec des étrangers qu'avec des locaux, de nombreux propriétaires qui ont de meilleures expériences avec des étrangers qu'avec des gens locaux. Je ne suis pas là pour exprimer mon opinion là dessus, juste insister sur l'utilité d'être prêt à trouver une porte ouverte ailleurs si vous avez en face de vous une porte fermée.
Réussir à louer oui, mais sans se faire avoir...
Cet article est un article destiné à vous expliquer des bases sur un sujet ciblé, que vous pouvez et devriez compléter par des recherches, afin de réussir à louer dans un contexte où cela pourrait être plus compliqué que pour d'autres.
Gardez néanmoins à l'esprit qu'avoir du mal à louer n'est pas le seul risque, se faire dépouiller ou regretter un bail sont deux autres risques. Rompre un bail quand on veut peut être vraiment plus dur qu'ailleurs, et c'est encore plus vrai si vous avez accepté de payer plus cher que ce que paieraient d'autres... Le bail au Québec ou au Canada ce n'est vraiment pas comme dans votre pays, vous devez être très renseigné là-dessus, d'ailleurs un article s'en vient...
Et avant le bail? Quelques principes de prudence: On évite le logement à distance, on ne dépense pas un sou avant la visite encore moins à un propriétaire éloigné qui prétexterait de montrer votre sérieux y compris par paiement non encaissé, on donne au maximum le montant administratif pour l'enquête au moment de la candidature si on est confortable avec ça et pour ce qui est de donner un loyer complet ou plus c'est à la signature du bail.
N'hésitez pas à continuer votre visite par la lecture des autres articles sur la thématique du logement.